Elle est intéressante; si l'on ose dire, cette interview de Giscard dans l'express. Gilles Perrault l'a enfoncé dans son livre mais on pourrait dire qu'il a l'art de s'enfoncer lui-même au point que l'on se demande si l'intervention du premier était nécessaire.
Florilège de la pensée bourgeoise dans ce qu'elle a de plus maquignon :
"Cesser d'être répressif, c'était un signal de progrès. On a dit que j'avais encouragé l'avortement: c'est faux. J'ai transféré la responsabilité, la décision, d'un système répressif à un choix individuel conseillé, par les médecins et les directeurs de conscience - le conseil donné étant d'ailleurs souvent de ne pas le faire! Pour le divorce, nous sommes passés d'une faute à prouver et à sanctionner à une décision à prendre d'un commun accord.
Dans cette mutation, qu'est-ce qui vous a empêché de supprimer la peine de mort?
J'ai toujours eu une grande préoccupation pour le sort des victimes. Notre système est déséquilibré en leur défaveur. Cantonnée à quelques cas, la peine de mort était un rééquilibrage, dans le sens de la protection des victimes."
C'est vrai qu'il faut reconnaître à Giscard trois mutations importantes, d'ailleurs votées par la gauche : l'avortement, le divorce par consentement mutuel, la majorité à 18ans. Cela se passe pendant les premiers mois du septennat et cela ne durera pas.
A quoi s'ajoute la possibilié pour 70 députés de saisir le conseil constitutionnel. Ca s'arrête là...
En fait, à l'époque on se préoccupait très peu des victimes et Gicard pas plus que les autres. Les premières lois qui prévoient par exemple des avances sur indemnisations, elles datent de la période Badinter. Donc sa compassion pour les victimes ne s'est traduit par rien de concret.
C'est comme la décentralisation, pour Giscard, cela consistait à présider un conseil des ministres à Lyon au lieu de Paris... En voilà une révolution !
Le gadget Giscardien, ce n'est pas une vue de l'esprit, cela consistait à annoncer des réformes et à les traduire par un petit spectacle éphémère... Dans les faits, il s'agissait du conservatisme le plus étroit, surtout après 75.
Donc quand il dit qu'il a appliqué la peine de mort par souci pour les victimes, c'est un leurre qui n'a par ailleurs stritement aucun sens. En quoi la mort de quelqu'un pouvait-elle rendre la vie ou épargner la souffrance des victimes ? Tout cela relève d'une logique illogique.
Le seul rééquilibrage possible, et encore il demeure symbolique, c'était la prise en charge par l'état de ce que le condamné à mort ne pourrait jamais payer, du fait même de sa mort... Mais ça, Giscard n'y a jamais pensé.
Non Giscard a appliqué la peine de mort par sadisme personnel, souvenir des safaris africains et autres divertissements, et rien d'autre. Il y avait dans la société française de l'époque une atmosphère délétère due à l'apparition du chômage, aux mutations que Giscard n'a jamais comprises et de la part du pouvoir un désir de répression que les lois Peyrefitte sont venues ensuite aggraver. Donc l'application de la peine de mort relevait de cette logique.
Le livre de Perrault paraît en 1978 et alors là, il a causé un tel choc qu'il n'était plus question de faire fonctionner la guillotine, ce que vient rappeler Perrault dans son livre, ce n'est pas le pouvoir politique et Giscard qui en sont l'auteur, mais la cour de cassation : elle cassait tous les jugements qu condamnaient à mort, jusqu'au derniers mois du septennant... Donc la révolution est venue de la cour de cassation bien plus que de Giscard.
Quand Giscard dit que cesser d'être répressif est signe de progrès, il ne parle pas de son septennat qui a renforcé la répression et qui s'est traduit par un enlisement très profond : de l'inflation, du chômage, et de la loi sécurité-liberté. Et un chèque pour encourager les immigrés à repartir chez eux... Donc le bilan, il est pas terrible... Et il est tout le contraire de ce qu'il prétend aujourd'hui.
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