Ce qu'il raconte de son périple après l'accident dans le récapitulatif :
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La commotion due au choc de l'accrochage ne me permit pas, également, de me rendre bien loin ; en effet, lorsque, peu après, j'arrêtai ma 304, je tombai complètement dans les pommes, évanoui.
Ce qu'il dit aux policiers lors de son interrogatoire la nuit, dans le récapitulatif :
Citation :
« Pourquoi avez-vous amené votre voiture dans le tunnel après l'accident ? - Je ne l'ai pas amenée, je m'y suis retrouvé. C'est inexplicable. Peut-être vu mon état de fatigue, je m'y suis rendu sans m'en souvenir. Mais ça m'étonnerait. Je m'y suis réveillé, c'est tout.
Ce qu'il explique ensuite pour s'angoisser du fait qu'on ne fasse pas d'enquête pour trouver la vérité :
Citation :
D'ailleurs eux, ils disent « amnésie » quand ils parlent de mon évanouissement après mon accident et c'était la fatigue plus l'alcool plus la commotion; et ils s'empressent d'ajouter en insistant : « Amnésie simulée », « II fait semblant de ne pas se souvenir », « Trou de mémoire parce qu'il ne veut pas raconter comment il a commis son forfait », etc.
« Une façon comme une autre de me culpabiliser ! Mon évanouissement les arrange bougrement. Bon Dieu, quelle hypocrisie, quel vice. »
Ma mémoire ne m'avait pas trompé, malgré l'alcool et la fatigue, mes souvenirs que j'avais pris pour une fiction, après que j'eus cru à l'histoire du commissaire, reflétaient bel et bien la réalité. En bref, le vrai que j'avais pris pour le faux est vrai et le faux que j'avais pris pour le vrai est faux. Mais il restait à le prouver.
Citation :
Et puis, à l'interrogatoire, je lui ai dit que, après l'accident, je me suis arrêté plus loin et évanoui dans la voiture pour ensuite me réveiller dans le tunnel où j'étais bloqué, et sans que je puisse m'expliquer ce « déplacement », même par l'abus d'alcool ou la fatigue ou la consommation de l'accident. N'a-t-il pas compris ce qui s'était passé ?
C'est-à-dire que le ravisseur, après avoir commis son forfait, s'est servi de ma voiture (nous reviendrons sur les raisons qui l'ont poussé à cela) et profitant de mon état inconscient, est allé l'embourber dans ce tunnel de champignonnière.
Certes, ma mère, mes avocats et moi-même n'avons pas compris tout de suite que c'est l'homme au pull rouge qui était responsable du « déplacement » jusque dans le tunnel. Mais le commissaire, lui, avait dès le début (à partir du 5 juin 1974) tous les éléments lui permettant de comprendre cela.
Citation :
Il y avait aussi l'accès du chemin menant au tunnel. De la route, pour connaître l'existence de ce petit chemin, il faut le connaître, ou vraiment tomber net dessus quand l'automobiliste ralentit. Moi, j'habite à 200 kilomètres de Marseille, et je ne connaissais pas l'entrée pour aller jusqu'au terre-plein, puis du terre-plein, l'entrée, pour aller s'embourber dans le souterrain.
Il y avait qu'un homme qui vient de commettre un tel acte, songe à s'enfuir et ne recherche pas un endroit bien isolé mais dans une propriété privée pour aller s'embourber volontairement, en l'occurrence dans un tunnel étroit, en pente fort sombre, et boueux !
Citation :
Que pouvait-il faire pour s'enfuir de là au plus vite ? N'oublions pas que dans cette première hypothèse, le ravisseur est à pied à ce moment. Il monta dans ma voiture, j'étais encore sans connaissance, il me poussa sur la banquette arrière (c'est là que je me suis réveillé), prit le volant et s'en alla. 500 mètres plus loin, il emprunta un petit chemin pour cacher cette voiture et se mettre à l'abri un moment (l'entrée du chemin n'est pas beaucoup visible, il faut donc connaître l'endroit).
Citation :
Il emmena ma voiture (et moi dedans) dans le tunnel boueux, jeta le pull-over rouge, jeta l'arme. Il prit aussi dans le portefeuille de l'automobiliste de l'argent (il me manquait de l'argent, je m'en suis aperçu de retour chez moi. Mais après ma nuit de veille à Marseille et ce que j'y avais bu, cela ne m'a pas trop choqué.) S'il se trouvait à pied sur la route avec l'enfant, c'est peut-être que sa Simca 1100 était en panne d'essence, dans ce cas, il put aussi prendre, dans le tunnel, de l'essence dans mon jerricane de secours.
Là, nous avons une meilleure hypothèse, en fait, il s'est garé chemin de la Doria et l'enfant s'est enfuie, ce n'est donc pas une panne d'essence ou autre.
Citation :
Une idée machiavélique lui vint. Il poussa le chauffeur à l'arrière, prit le volant et engagea la 304 sur un petit chemin proche de là. Il immobilisa cette voiture sur un terre-plein où de la tourbe séchait. Il mit la 304 en marche arrière pour pouvoir mieux la manœuvrer et l'engagea sur le petit chemin boueux qui descend et s'enfonce dans une colline, la champignonnière. En plus du fait que l'accès au chemin, puis l'entrée du tunnel est peu visible, le fait qu'il eut mis ma voiture en marche arrière dans le tunnel étroit indique que le ravisseur connaissait très certainement l'endroit.
II la laissa dans le tunnel, embourbée, jeta son pull-over rouge vif, trop voyant, jeta son arme à la sortie du tunnel. Il profita même de prendre de l'argent dans le portefeuille du conducteur évanoui. Et il repartit. « Ce type-là, a dû se dire le ravisseur, a toutes les chances d'être compromis dans le meurtre, ça va me faire gagner du temps. »
Je pense qu'il se trompe lorsqu'il pense à une idée machiavélique, il s'agit plus simplement de faire que la voiture débarasse le plancher.
Voilà, mais voyez-vous, je pense que Christian Ranucci raisonne de façon extrêmement sensée et intelligente. Et qui correspond aux constatations : un pull rouge dans le tunnel et lorsque l'on suit sa trace, on remonte sur la route... Il est reparti à pied.
Et maintenant je vous le demande : pourquoi ment-il lorsqu'il prétend qu'un autre a conduit la voiture ?
Quelle raison a-t-il ?
C'est une question fondamentale qui interroge vos suppositions. Moi je suis de son côté, indéfectiblement, et s'il ment lorsqu'il ne dit pas qu'il revient d'Allauch et d'avoir vu son père, là, à mon avis, il traduit quelque chose qu'il sent, et il est sincère. Profondément.