Il disait qu'il allait corriger Antoine"
Toujours aucune trace du petit Antoine, officiellement disparu depuis le 11 septembre dans les rues d'Issoire (Puy-de-Dôme). En l'absence de piste solide, les enquêteurs ne délaissent aucune hypothèse. Ils ont notamment passé au crible la vie, tumultueuse, de la mère du garçonnet, Alexandrine, ainsi que celle, non moins agitée, de son compagnon, Sébastien.
"C'est si injuste qu'Antoine ne soit plus là..." Assise dans l'herbe devant sa modeste maison située sur une colline surplombant Issoire (Puy-de-Dôme), Ghislaine Brugerolle de Fraissinette attend. Chaque jour, cette octogénaire coupe méthodiquement du petit bois en espérant revoir son arrière-petit-fils. L'enfant, qui jouait encore au mois d'août dans son jardin, est porté disparu depuis le 11 septembre. "Il ne faut pas que le ravisseur panique", croit Jean, l'oncle du garçonnet, persuadé qu'il a été enlevé. Cachés, Alexandrine Brugerolle de Fraissinette, 23 ans, la mère d'Antoine, et Sébastien, son nouveau concubin de 29 ans, fuient les médias qui ont investi cette ville de 14 000 habitants située à 30 km au sud de Clermont-Ferrand. "Alexandrine va très mal et elle est suivie sur un plan psychologique, assure une proche. Mais elle garde espoir."
Officieusement pessimistes, les autorités restent officiellement prudentes sur le sort du petit garçon de 6 ans et demi dont le visage hante les vitrines. "Il est peu probable qu'il ait survécu seul dans la nature, mais il est peut-être séquestré dans de bonnes conditions", avance le lieutenant-colonel Palayer, l'officier de communication de la gendarmerie auvergnate. "Tant qu'on n'a pas retrouvé le corps, on peut toujours avoir l'espoir de le retrouver vivant", veut croire Jean-Yves Coquillat, le procureur de la République de Clermont-Ferrand.
Un sac et un paquet de biscuits auraient disparu
Les grandes manoeuvres des militaires pour retrouver Antoine ont pourtant pris fin vendredi. Après avoir reniflé les rues de la cité, les limiers canins des sapeurs-pompiers et de la gendarmerie n'ont flairé aucune piste déterminante. La fouille des caves, des maisons désaffectées, et le sondage des canaux souterrains et des points d'eau n'ont pas été plus fructueux. Place à l'enquête judiciaire, qui a débuté il y a maintenant dix jours.
Ce jeudi 11 septembre, vers 22 heures. Alexandrine signale à la gendarmerie l'absence de son fils, laissé seul dans son petit appartement ancien situé dans le centre historique. Selon elle, un sac et un paquet de biscuits ont disparu. La jeune maman explique qu'elle a dîné vers 20 heures avec son compagnon au Saïgon, un restaurant asiatique du quartier, pendant que son fils regardait une vidéo. "Elle a dit à la serveuse que son fils avait eu les jours précédents une gastro-entérite, que c'était sans doute une conséquence de son entrée en cours préparatoire et de la découverte de nouveaux copains dans la cour des grands", rapporte un témoin.
Les enquêteurs de la Section de recherches (SR) de Clermont-Ferrand vont ainsi découvrir que si Alexandrine et son ami ont accompagné Antoine lors de la rentrée du 2 septembre, l'enfant n'a pas été revu à l'école depuis. Sa maman est restée sourde aux appels du directeur de l'établissement et n'a consulté aucun médecin. Selon des témoignages recoupés, Antoine aurait été simplement vu dans les rues d'Issoire les 3 et 6 septembre. Mais après cette date, aucune personne extérieure au couple ne l'a aperçu. "La thèse de la fugue paraît très peu probable, mais on ne peut rien exclure", estime Jean-Yves Coquillat, qui a ouvert une information judiciaire pour "enlèvement et séquestration", confiée à deux juges d'instruction. Le magistrat s'interroge aujourd'hui sur "un certain nombre de zones d'ombre dans le témoignage de la mère d'Antoine qu'il faut éclaircir".
Vers un scénario à la Maddie?
Les gendarmes passent désormais au crible la vie de cette jeune femme, issue d'une famille noble d'origine corrézienne, qui n'a jamais connu son père. Au sortir d'une enfance chaotique, cette adolescente au verbe haut n'a que 17 ans quand Antoine vient au monde. Serveuse, elle est impliquée dans un trafic de drogue qui lui vaut d'être condamnée en 2003 à dix-huit mois de prison, dont douze avec sursis. Depuis deux ans, elle servait au Bon Croûton, un bar-restaurant situé sur la place centrale d'Issoire. "Les relations avec son patron étaient orageuses et elle avait déjà cherché à partir plusieurs fois, affirme une proche. Elle travaillait beaucoup et culpabilisait par rapport à son fils qu'elle aimait mais qu'elle ne voyait pas assez." Livré à lui-même, le garçonnet au caractère affirmé se promenait souvent seul sur la place fréquentée par des marginaux ou regardait des DVD dans l'appartement du restaurateur. "C'est un enfant turbulent qui se permettait beaucoup de choses car sa mère le grondait peu", poursuit cette amie frappée par sa "froideur" et son "regard très dur".
Au début de l'été, la jeune femme extravertie, aux cheveux rouges et aux tenues colorées, était tombée amoureuse de Sébastien, qui passait des heures en terrasse à lui faire la cour. Sans profession, cet homme flanqué de deux chiens est "connu" des gendarmes pour des affaires de stupéfiants et de "violences volontaires avec objet contondant". Le 8 septembre, il a saisi à la gorge une amie d'Alexandrine qui avait critiqué son emprise sur la jeune serveuse, selon le témoignage de l'intéressée recueilli par les gendarmes. "Il disait qu'il allait corriger Antoine quand il ferait des bêtises", souffle une proche de la maman. Une tutelle inédite et sans doute peu supportable pour l'enfant.
Après avoir perquisitionné les domiciles d'Antoine et du patron du Bon Croûton, ainsi que son véhicule, les enquêteurs attendent avec impatience le retour des prélèvements effectués pour accélérer l'enquête. Désormais, ils veulent à tout prix éviter un scénario à la Maddie, cette fillette anglaise de 3 ans disparue au Portugal alors que ses parents dînaient dans un restaurant tout proche. Une affaire sujette à tous les fantasmes et qui n'est toujours pas élucidée.
Source : Le JDD
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