Roanne: ce nouveau centre de détention déjà rouillé
PRISON - L’inauguration en grande pompe de cette nouvelle prison ne cache pas les inquiétudes des syndicats pénitentiaires...
Alors que la situation n’a jamais été aussi mauvaise dans les prisons françaises, Rachida Dati est fière de vous présenter le flambant neuf centre de rétention de Roanne, qu’elle va inaugurer ce lundi après-midi avec François Fillon.
Chaque bâtiment est composé d’unités de trente détenus, avec une majorité de cellules individuelles. Il y a également neuf cellules doubles, huit dans les quartiers hommes et une dans le quartier femmes, ainsi que six cellules aménagées pour les personnes à mobilité réduite.
Le centre dispose aussi de trois unités de visite familiale (UVF). Ce sont des appartements de type F3 où les détenus pourront recevoir leur famille en toute intimité, pour des périodes allant de 6 heures à 72 heures. On compte aussi un gymnase, des salles de musculation à tous les étages, des buanderies, un potager pour les femmes et des jolies portes violettes, oranges, bleues.
Manque de sécurité
Voilà pour la visite, qui marque un véritable effort pour améliorer la vie des détenus. Pour le reste, le bâtiment blesse selon «Libération», qui a pu visiter la prison en décembre dernier. Après s’être tout d’abord «extasié» sur cet établissement moderne, les défauts sont très vite apparus. «Cela fait vingt et un ans que je suis surveillant, ce n’est pas la première ouverture que je fais, mais c’est la première fois que j’assiste à une catastrophe pareille», explique à «Libération» Sylvain Piron, délégué syndical CGT, qui évoque des plaques d’égout mal fixées, des serrures électriques gelées, des barbelés qui s’effilochent, des murs qui se fissurent.
Inquiète, l’union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP), la première organisation syndicale, de l'administration pénitentiaire, a carrément décidé de boycotter l’inauguration.
«Nous ne sommes pas prêts à ouvrir dans ces conditions. Les dysfonctionnements techniques remarqués, notamment des problèmes de serrures avec des portes bloquées et un manque de couverture vidéo, remettent en cause la sécurité du personnel et de la population carcérale. Les conditions d’insécurité sont totales, on ne pourra pas travailler dans ces conditions. A Roanne, si un détenu mettait le feu à sa cellule où en cas de tentative de suicide, on pourrait facilement rester bloqué derrière une porte», explique un représentant syndical.
Le partenariat public-privé à l’origine des problèmes?
En cause, notamment, le partenariat public-privé (PPP) avec le groupe de BTP Eiffage qui est à l’origine de cet établissement. C’est Eiffage qui a pris à sa charge les travaux s’élevant à 55 millions d’euros. Et reste le proprio pour encore près de 28 ans. L’administration pénitentiaire, locataire en a pour autant de loyers à régler: 3,8 millions d’euros par an prélevés sur les crédits du ministère de la Justice. Cher, mais pas forcément dommageable pour les conditions de vie des détenus et des surveillants... si ce type de chantier en PPP n’avait pas tendance à réduire au maximum les coûts, bâclant les finitions.
«La direction nous a demandé d’arrêter les tests de solidité, explique encore le Cégétiste Piron à «Libération». Ça cassait de tous les côtés qu’on n’avait plus les moyens techniques ni le temps de réparer.» Du coup Eiffage et l’administration jouent au mikado en ce moment même pour savoir qui assumera les coûts des nombreuses réparations.
Le «programme 13.200»
Le centre de détention de Roanne a été érigé dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation de la justice, votée en 2002, et qui doit déboucher à terme sur la création de 13.200 places, dans des établissements rénovés, ou sortis de terre. Depuis Dominique Perben, ces 13.200 places sont l’argument clé des Gardes des sceaux pour venir à bout de la surpopulation carcérale, alors que le taux d’occupation est passé de 134 à 146% entre 2007 et 2008. Rappelons cette équation impossible, à peine chamboulée par Roanne: 63.619 détenus actuellement pour 51.000 places.
Après Saint-Denis de la Réunion et Mont-de-Marsan, où s'est produit une panne d'électricité généralisée fin décembre (les détenus sont finalement revenus ce lundi dans l'établissement), Roanne est la 3e borne du «programme 13.200», qui prévoit de jalonner l’univers carcéral d’ici 2011 avec un nouvel établissement tous les trois mois.
Les premiers détenus arriveront la semaine prochaine. La capacité maximale, elle, sera atteinte en six mois.
Source : 20 Minutes
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