Maintenant, que donne le témoignage Aubert, dès lors qu'il est suborné par les policiers ?
Là, nous entrons dans l'incohérence, et si la scène décrite aux gendarmes est parfaitement lisible et claire, celle qu'il développe devant les policiers ne l'est plus du tout.
D'abord, il apparaît que ce qu'il raconte aux gendarmes est tout à fait compatible avec sa réaction du 4 juin lorsqu'il téléphone, il a vu une chose mystérieuse, un type qui disparaît, le silence, le type qui ne répond plus et ne fait plus de bruit, cette voiture garée sans qu'on n'aperçoive le conducteur.
Quand il appelle les gendarmes les jours d'après, il ne peut dire qu'une chose : cela pourrait avoir un lien avec l'enlèvement, mais je ne vois pas lequel : un type s'est enfuit, l'espace de deux secondes, il portait un paquet, et donc on envoie une estafette, sans plus le soir du 4 et le matin du 5.
Imaginons un peu que les choses se soient déroulées comme les policiers l'écrivent :
Ils déclarent qu'ils prennent en chasse le véhicule, mais tel que la route est dessinée, le véhicule a déjà disparu quand ils redémarrent. En fait, ils partent à la poursuite d'une voiture qui a disparu.
Donc quand ils disent que la voiture roulait très vite, ils n'en savent rien. Et cela d'autant moins que la roue - paraît-il - frotte, donc Ranucci ne peut pas aller aussi vite qu'ils le prétendent.
Ils disent ensuite que la peugeot s'est immobilisée au bord de la route.
C'est une connerie parce qu'aux gendarmes, ils prétendent qu'ils découvrent la voiture immobilisée au sortir du virage. Et la configuration des lieux fait qu'ils ne peuvent pas voir la voiture s'immobiliser.
Donc ce qu'ils disent aux gendarmes est possible : au sortir du virage on découvre la voiture arrêtée et un homme qui s'enfuit. Ça c'est tout à fait possible. Mais dire qu'ils voient la voiture s'immobiliser, non, ça ce n'est pas possible matériellement.
Il dit à ce moment là : je me trouvais à deux ou trois cents mètres de lui.
Aux gendarmes, il dit cent mètres.
Alors est-ce cent ou trois cents ? Il faudrait savoir.
En fait quand on regarde la configuration des lieux, c'est cent mètres, ce ne peut pas être trois cents mètres, parce qu'à trois cents mètres on ne peut pas voir la voiture de Ranucci, le virage la cache.
Et c'est là qu'on comprend que les policiers ont suborné les témoins, leur parole n'est plus libre et donc nous rentrons dans ce qui s'apparente à une construction que les constatations matérielles vont contredire à chaque instant.
Aubert dit : je l'ai rejoint quelques secondes plus tard. "Au moment où je suis arrivé à la hauteur de la voiture, j'ai assisté à la scène suivante."
Donc par rapport à ce qu'il a déclaré aux gendarmes, cela n'a plus rien à voir. Aux gendarmes il dit qu'il s'arrête à proximité, et qu'il a aperçu cet homme s'enfuir à cent mètres.
Là maintenant, ce n'est plus a proximité, c'est tout à côté de la voiture, donc à deux mètres. Ce n'est plus soixante mètres, ou même quarante mètres, c'est deux mètres.
Les choses sont complètement différentes, puisque là, cela veut dire que l'homme aperçoit clairement qu'on le voit et qu'on va le reconnaître.
On passera sur le fait que la portière est bloquée et que donc Ranucci ne pouvait pas sortir comme Aubert l'a vu, mais si réellement Aubert avait vu une enfant ou un enfant portant un short blanc être tiré de la voiture et embarqué dans les fourrés, mais qu'aurait-il dit à Martinez en revenant ?
Ben, c'est grave, il faut prévenir la police tout de suite, le type a enlevé un mome.
Et même s'il ne fait pas cela et qu'il imagine comme il le dira trente ans plus tard que ce sont deux jeunes, ou deux momes, que va-t-il dire le 4 à la gendarmerie quand il téléphone : ben oui le type s'enfuyait avec un gamin, et les gendarmes, que vont-ils faire aussitôt dès le matin du 4 : dépêcher sur place une énorme escouade pour ratisser l'endroit, et encore, on va faire venir M. Aubert, tout de suite.
Mais ce n'est pas du tout ce qui se passe. il est donc parfaitement impossible que M. Aubert ait pu même apercevoir l'ombre de ce qui serait un enfant.
Alors, la scène telle qu'elle est conçue par les policiers n'est pas possible matériellement, physiquement : Aubert arriverait à hauteur de la voiture et verrait l'homme s'enfuir en tirant la gamine. Et puis il repartirait et irait faire demi tour. Pendant ce temps là, l'homme monterait dans les fourrés (vingt mètres) et puis soudain, il sortirait un couteau de sa poche et il donnerait 15 coups de couteau.
Et Aubert est bien gentil, il attend que l'homme ait fini de donner 15 coups de couteau, à quoi s'ajoute des coups de pierre, pour revenir. Et constater quoi : qu'il n'entend pas la gamine crier, qu'il n'est pas témoin des 15 coups de couteau et qu'une scène d'une violence inouie, s'est déroulée pratiquement sous ses yeux, sans que rien ne l'émeuve.
Vous imaginez la scène, le type est maculé de sang, la gamine à ses pieds qui git dans une mare de sang, et le type aurait dit : "partez, je reviendrai."
On rêve.
Tout cela est ridicule.
En réalité, les constatations d'horaires laissent bien plutôt supposer que la gamine est morte avant, une demi heure avant, et cela correspond au silence que M. Aubert constate et qu'il rapporte justement aux gendarmes.
Ranucci qui dort, l'homme qui se cache sans bouger, et la gamine déjà morte depuis un certain temps.
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