RAPPORT D’AUTOPSIE DU CADAVRE DE LA JEUNE RAMBLA Marie-Dolorès
Nous soussignés :
-Docteur Henri OLLIVIER, Professeur Agrégé à la Faculté de Médecine de Marseille, Docteur ès Sciences, Directeur du Laboratoire lnterrégional de Police Scientifique de Marseille, expert assermenté près les Tribunaux et les. Cours d’Appels, Chevalier de la Légion d’Honneur, domicilié à Marseille., 37 Cours Franklin Roosevelt ;
-Docteur François VUILLET, Médecin Légiste, Expert assermenté près les Tribunaux et la Cour, Assistant au Laboratoire lnterrégional de Police Scientifique de Marseille, domicilié à Marseille, 2 Rue Saint-Laurent :
en exécution d’une Ordonnance de Mademoiselle Ilda di MARINO, Premier Juge d’instruction au Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, en date du 5 Juin 1974, relative à l’information suivie contre X… des chefs de ENLEVEMENT DE MINEURS DE MOINS DE QUINZE ANS
à l’effet de :
Procéder à l’autopsie complète du cadavre de RAMBLA Marie-Dolorès après avoir établi une description détaillée dudit cadavre, établir les circonstances de la mort. Préciser si l’enfant a été l’objet de violence, dans l’affirmative les décrire, fournir tous renseignements utiles à l’information eu cours.
Avons accompli personnellement les opérations expertales auxquelles a donné lieu la mission à nous confiée, le 6 Juin 1974, après nous être rendus à la morgue municipale du Pharo où le corps avait été transporté et exposons, ci-après, le résultat de nos observations.
COMMEMORATIFS SUCCINTS
Le 5 Juin1974, 1e cadavre d’une fillette d’environ 8 ans était découvert dans des bois de la région de PEYPIN-.
LEVEE DE CORPS
L’un de nous a assisté à la levée de corps, le 5 Juin 1574 en fin de journée, en présence de Monsieur le Procureur Adjoint BERGER-
LEFRANC, du magistrat mandant, du Capitaine de Gendarmerie GRAS et des représentants des services de police intéressés.
Le corps avait été découvert au flanc d’une colline à végétation surtout arbustive, à petite distance de la Route Nationale 6 bis, entre le carrefour de La Pomme et Valdonne.
Après dégagement des branches d’arbustes épineux (principalement argamas, nom local des ajoncs) le corps apparaît couché sur le dos, les jambes légèrement fléchies, les bras relevés.
La tenue vestimentaire est relativement ordonnée : la chaussure gauche est en place; la chaussure droite est retrouvée, à quelques mètres du corps.
La chevelure est très emmêlée et encombrée d’épines. La partie supérieure du corps est souillée de sang desséché.
Le corps est envahi de fourmis et de larves nécrophages, ce qui a entraîné une altération superficielle des téguments.
Après nettoyage aussi soigneux que possible (avec de l’eau et un tampon de coton) le corps a été présenté au père de l’entant qui a formellement reconnu sa fille qui avait été enlevée le 3 juin 1974.
A U T O P S I E
Nous procédons d’abord au déshabillage de 1a victime
dont la tenue vestimentaire comprend :
- Un polo blanc garni d’un galon bleu au niveau de l’encolure
- Un tricot de corps rayé rouge et blanc, portant la marque : “stature 126, 8 ans”,
-Une culotte à rayures rouge et blanc, portant également la marque “stature 126, 8 ans”,
-Une culotte blanche genre « short »,
-Et une socque à semelle en bois, dessus en cuir vert et jaune, au pied gauche.
I - ASPECT EXTEREUR DU CADAVRE
Il s’agit du cadavre de la nommée RAMBLA Marie-Dolorès, née 31 Mai 1966 à Marseille.
La taille est de 121 centimètres.
La rigidité cadavérique est résolue,
Les lividités cadavériques sont peu visibles.
La chevelure, emmêlée, est de couleur brune.
La denture est en bon état.
Le corps, envahi par des larves nécrophages, présente un état de putréfaction débutante se caractérisant par la perte de l’adhérence des cheveux qui se détachent facilement ; et le parcheminent des zones dont l’épiderme a été altéré par l’action des larves nécrophages.
La région vulvaire est d’apparence normale : l’hymen ne présente pas de déchirure ni de dilatation de son orifice. Un prélèvement est fait à ce niveau, de même qu’un prélèvement rectal .
L’examen soigneux des ongles n’a donné lieu à aucune observation utile.
L’examen minutieux du cadavre a permis de constater :
AU NIVEAU DE LA TETE :
-Une plaie contuse au niveau de l’angle externe de l’orbite gauche, longue de 15 mm environ, reposant sur une large zone ecchymotique, complétée par une excoriation parcheminée de la partie supérieure de la pommette gauche (fig.5 Planche III) ;
-Une plaie contuse de la région fronto-pariétale gauche, au voisinage de la lisière du cuir chevelu, de forme allongée, longue de 5 cm environ, reposant également sur une zone ecchymotique ;
-Une courte plaie contuse du cuir chevelu de la région temporale gauche, longue de 15 mm environ ;
-Et une zone de contusion irrégulière sur le côté droit de la face (joue et région orbitaire notamment) attribuable à l’appui de la tête sur un sol inégal pendant qu’étaient portés les coups dans la région fronto-temporale gauche.
AU NIVEAU DU COU -
De multiples blessures par arme blanche perforante et tranchante du type couteau, affectant la forme de boutonnières, longues de 5 à 14 mm, dont le dénombrement peut être ainsi effectué (fig. 6, 7 et 8, Planche III):
- Une coupure sur le rebord maxillaire gauche, la pulpe des doigts présente un dépôt d’encre grasse consécutif au relevé d’empreintes antérieurement effectué
- Cinq coupures sur le côté gauche du cou,
- Quatre coupures dans la région rétro-mastoïdienne gauche,
- Une coupure au niveau de la nuque paramédiane gauche
- Trois coupures sous maxillaires antéro-latérales droites,
- Et une coupure de la région hyoïdienne.
AU NIVEAU DES MEMBRES :
-Trois coupures sur le dos de la main droite, à savoir une coupure de 10 mm à la base de l’index, deux autres également longues de 10 mm à la base du médius (fig. 9, Planche IV),
-Une ecchymose au tiers supérieur de la jambe droite, sur la face antéro-interne ;
-Une plaque parcheminée sur la face antérieure du genou droit ;
-Une plaque parcheminé au-dessus de la malléole interne droite ;
-De longues griffures sur les membres inférieurs,
notamment à la face postérieure de la cuisse droite, les mollets et la face antéro-interne de la jambe gauche.
II - OUVERTURE DES CAVITES
Pratiquée selon les protocoles techniques classiques, elle a permis d’observer :
AU NIVEAU DE LA TETE :
-Une large infiltration sanguine de la région fronto-temporale gauche ;
-Une contusion de la voûte crânienne dans la profondeur des plaies contuses précédemment décrites dans la région fronto-pariétale gauche. Outre une infiltration sanguine, on observe sur la table externe de l’os pariétal gauche, en arrière de la suture fronto- pariétale, quatre enfoncements localisés : à l’un de ces enfoncements correspond une fracture de la table interne de l’os (fig. 11 et 12, Planche V) :
-Et une congestion de la périphérie des hémisphères cérébraux.
AU NIVEAU DU COU
De multiples blessures par arme blanche perforante et tranchante du type couteau intéressant :
- La région sus hyoïdienne, atteignant le plan vertébral dans la profondeur,
- La région carotidienne droite où s’observe notamment une section incomplète de l’artère carotide primitive, à 2 cm de la bifurcation (fig. 10, Planche IV) ,
- La région carotidienne gauche : la lame du couteau, passant en arrière de l’artère carotide, a sectionné la veine jugulaire. Au niveau du. plan vertébral s’observe une atteinte des enveloppes médullaires, la lame ayant pénétré dans le canal rachidien en passant entre la troisième et la quatrième vertèbre cervicale. La vérification de la partie initiale de la moelle ne met pas en évidence de lésion à son niveau.
AU NIVEAU DU THORAX
Il n’y a pas de fracture de côte.
Le cœur, normalement conformé, est pratiquement vide de sang.
Les poumons, très pâles, sont exsangues.
AU NIVEAU DE L’ABDOMEN :
L’estomac contient un liquide pâteux de coloration brune.
Le foie, la rate et les reins, sont d’apparence normale.
La vessie est vide.
P R E L E V E M E N T S
Nous avons effectué, en vue d’éclairer utilement l’information, les prélèvements suivants :
- Un échantillon de sang, afin de rechercher le taux d’alcool au moment de la mort et de déterminer le groupe sanguin :
- une mèche de cheveux, à toutes fins comparatives utiles :
- Un prélèvement du contenu des voies génitales et du rectum aux fins de recherches d’éléments spermatiques ;
- Et le contenu. gastrique.
De même, nous avons conservé les vêtements.
RESULTAT DU DOSAGE D’ALCOOL
Le dosage d’alcool (alcoolémie) effectué sur le prélèvement de sang par la méthode de l’extraction en mature a montré qu’il ne contenait :
que des traces d’alcool ce qui démontre que la victime était, au moment de sa mort, indemne de tout signe biochimique d’intoxication éthylique.
GROUPAGE SANGUIN
Effectué à l’aide de sérums-tests préalablement éprouvés, il a montré que la victime appartenait au groupe sanguin A.
EXAMEN DES PRELEVEMENTS ANAL ET VAGINAL
Les prélèvements de sérosités vaginales et les prélèvements de contenu rectal ont été examinés au microscope, après fixation et coloration adéquates.
Cee examens, qui ont permis d’observer les cellules et la flore saprophyte habituellement rencontrées en pareil cas, n’ont pas mis en évidence d’éléments de nature spermatique.
C O N C LU S I 0 N S
L’ensemble de nos constatations autopsiques et investigations effectuées sur le cadavre de la jeune Marie Dolorès RAMBLA permet de répondre ainsi aux questions énoncées dans l’ Ordonnance de notre mission, à savoir :
1/qu’il présente, outre une contusion de la voute crânienne avec quatre enfoncements localisés dont un avec fracture de la table interne de l’os
—Un ensemble de plaies contuses sur 1e côté gauche de la tête, s’étendant de l’angle externe de l’orbite gauche à la tempe gauche, lésions auxquelles peuvent être rattachées des lésions de contusion appuyée sur le côté opposé de la tête ;
_Des blessures par arme blanche perforante et tranchante du type couteau au nombre de 15 , localisées à la région mastoïdienne gauche et au cou, atteignant le plan vertébral et ayant notamment occasionné une lésion de 1’artère carotide primitive droite ;
_Et trois coupures du dos de la main droite.
2°) Que ces blessures , dont en particulier la coupure de la carotide primitive droite sont la cause directe de la mort.
3°) Que la victime, au moment de la mort était indemne de tout signe biochimique d’intoxication éthylique.
4°) Que le sujet appartenait au groupe sanguin A.
5°) Qu’il n’a pas été observé de traces de violences au niveau de la région génitale.
Rapport établi à l’unanimité à Marseille, le VINGT CINQ JUIN
Mil neuf cent soixante quatorze.
RAPPORT établi sur NEUF pages et illustré de DOUZE figures en
CINQ Planches
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