Entretien : Gérard Bouladou
Dernière mise à jour: 04 Mars 2007

 

 
 

 

 


1- Certaines personnes semblent troublées par le choix des couvertures de vos deux livres (celui sorti en mai 2005 ainsi que celui sorti en Octobre 2006 : images et couleurs chocs, titres ponctués de points d'exclamation, etc., qui donnent le sentiment d'une conviction solidement ancrée même avant même l'enquête et peut être aussi d'une volonté de réveiller les esprits. Quelles sont en fait les raisons de ces choix de couvertures ? 

Je vais vous procurer la couverture que j’avais composée et qui n’a rien à voir avec celle de mon premier livre. Le titre était « Les faux mystères de l’affaire Ranucci », avec en sous-titre : « Un pull-over rouge cousu de fil blanc »Mon éditeur a estimé qu’il fallait être plus percutant et a mis au point la couverture que vous connaissez. J’aurais certainement pu refuser car j’ai moi-même été choqué par la présence de la guillotine. Mais le « pull-over rouge » de Gilles Perrault en livre de poche a aussi une guillotine en couverture et cela ne choque personne apparemment.Penser que le titre donne le sentiment d’une conviction solidement ancrée même avant l’enquête ne me surprend mais pas trop puisque c’est un peu la façon de raisonner que je trouve régulièrement sur le forum et qui aboutit à une conclusion contraire à la vérité.J’ai fait mon enquête, écrit mon livre et ensuite l’éditeur a voulu lui donner ce titre et cette couverture. L’ordre chronologique est totalement inverse. J’ai lu la même critique envers l’avocat général Viala qui a dit quelque chose comme : « Avant de requérir, je savais que je demanderais la peine de mort » et certains en ont déduit, qu’il voulait demander la peine de mort avant d’avoir vérifié que Ranucci était coupable. Cela laissait supposer qu’il allait demander la peine de mort même s’il se rendait compte, après examen, car on ne peut pas imaginer un instant qu’il n’allait pas examiner le dossier, que Ranucci était innocent. C’est insensé. L’avocat général requiert pendant Le procès mais avant, il étudie le dossier et il doit décomposer les éléments retenus par l’accusation et qui motivent sa décision.Il est bien évident qu’après avoir lu le livre de Gilles Perrault, j’avais des doutes sur la culpabilité de Ranucci. Mais dès que j’ai commencé mon enquête, j’ai compris que beaucoup de choses ne tournaient pas rond dans ce qu’il avait écrit. Il y’a eu tout d’abord le docteur Vuillet qui m’a donné des indications sur l’importance des traces de sang sur le pantalon de Ranucci, le fait qu’elles étaient d’apposition et que Ranucci n’avait pas saigné depuis longtemps; il m’a parlé de son attitude à la reconstitution et d’autres éléments qui allaient à l’encontre de la thèse de Perrault.Lorsque je me suis rendu à la cité Sainte Agnès avec le plan dessiné par Ranucci, là, j’ai commencé à avoir une mauvaise opinion de l’enquête de Perrault. On ne pouvait pas dire décemment que le plan était un gribouillis sans signification. J’ai donc voulu tout vérifier. En lisant la procédure, j’ai trouvé des éléments qu’il s’était bien gardé de mettre dans son livre. Ils seraient trop nombreux pour les énumérer ici mais un des plus marquants est le fait que Christian Ranucci avait indiqué au chauffeur du car de police secours l’endroit par où il fallait passer pour sortir de la cité Sainte Agnès et aller vers le carrefour de la Pomme. Et que l’on ne vienne pas me dire maintenant que Ranucci a seulement fait un signe de tête quand la juge lui a demandé s’il fallait passer par là (ce qu’écrit Me Le Forsonney dans son dernier livre) car cela mettrait en cause Me Chiappe et Me le Forsonney dans l’exécution de Ranucci. Ce point n’a jamais été contesté au procès alors que ce dernier risquait la mort. Quant à l’interprétation du romancier de la date qui figure sur la fiche de scellé, je la trouve extrêmement grave de sa part car les néophytes, non seulement l’ont crue, mais n’arrivent plus pour certains à retrouver la raison. Cette date se trouve dans la zone de la fiche de scellé qui indique l’affaire et non pas le scellé. On a bien le numéro général de l’affaire : 610/Gréasque, la qualification générale de l’affaire : « Découverte du corps de M.D. Rambla » et la date de référence où la procédure a été commencée : le 5-06-1974.Ce n’est qu’en dessous de la mention : « Scellé n° 8 » que l’on désigne les éléments du scellé. 

 

 

 

2- La manière dont a été conduite l'instruction vous semble-t-elle "étrange" à certains égards? En d'autres termes, quels manquements existent selon vous dans cette enquête combien même cela ne change en rien votre position sur la culpabilité de Ranucci? 

L’instruction a été très mauvaise. Les policiers avaient gardé Ranucci trop peu d’heures pour faire leur enquête complètement. Ce dernier a avoué vers la fin de la garde à vue et il était trop tard pour vérifier tout ce qu'il disait. Par contre, Mlle Di Marino avait du temps pour faire son enquête et elle ne l’a fait que partiellement. Ne pas demander à CR d’où venait son couteau est une erreur de débutant. Le problème, c’est qu’elle n’a eu personne, à l’époque où Ranucci avouait tout, pour rattraper cette erreur. Peut-être qu’un autre magistrat se contentant de lire tout ce qu’elle faisait aurait mis le point sur cet élément important et lui aurait demandé de le ré-entendre. A la reconstitution, elle n’a pas fait venir Monsieur Spinelli et Jean Rambla. Je ne vais pas reprendre ici tous les points qu’elle aurait pu éclaircir mais il y’en a un qui a du mal à passer, c’est l’histoire du paquet volumineux. Elle a entre les mains un rapport de gendarmerie qui fait dire à M. Aubert que le conducteur de la 304 s’était enfui avec un paquet dans les bras. Elle a devant elle Mme et M Aubert qui lui disent que c’était un enfant et elle laisse passer ça, sans rien faire. C’est tout simplement inouï. Il fallait qu’elle convoque en même temps qu’eux le ou les deux gendarmes qui avaient rapporté cette histoire de paquet au capitaine Gras. Il fallait une confrontation et je ne doute pas de ce qu’elle aurait donné. Le ou les gendarmes auraient été très embarrassés avec un Monsieur Aubert qui leur aurait dit : « Je vous ai peut être dit qu’il a sorti l’enfant de la voiture comme on le fait avec un paquet et ma femme qui n’a pas vu l’enfant m’a dit qu’elle croyait au début de l’action que c’était un paquet mais je vous ai bien parlé d’un enfant ». Et le gendarme aurait répondu : « Oui, j’ai expliqué ça au capitaine Gras. Je lui ai dit que vous, vous parliez d’un enfant mais que votre femme pensait que c’était un paquet. Il a peut être mal compris ce que je lui ai dit, etc.etc. »Je me demande même aujourd’hui si elle a lu le rapport des gendarmes et si elle avait relevé l’histoire du paquet qui n’a rien à faire dans cette enquête.

 

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