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Procès-verbal
n°828/4 du 5 juin 1974
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Ce
procès-verbal atteste la saisie du pantalon
et des autres objets dans la voiture de Christian
Ranucci.
Un hasard incroyable est à l'origine du litige entourant la rédaction
de ce PV:
L'assistante de Maître Bredin, Conseil de Mme Mathon, qui photocopiait
le dossier, n'arrivait pas à dupliquer ce procès-verbal. En haut
de la page 2, disparaissait une partie de la copie. La mention "un pantalon
d'homme de couleur sombre..." était placée très en
en-tête du PV avec une fuite de la ligne frappée vers le haut.
Pour visualiser la partie litigieuse du procès-verbal, cliquez ici.
La conclusion paraissait évidente: cette mention avait été ajoutée
après la rédaction initiale du PV.
Une
expertise fut demandée, par les avocats de
Mme Mathon, à M. faideau, expert en écriture.
Celui-ci conclut:
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J'ai
remarqué que la première ligne du procès-verbal
du 5 juin 1974 montait légèrement par
rapport aux suivantes.
J'ai remarqué également que cette première ligne était
décalée latéralement vers la droite en regard de la seconde
et des autres lignes. Il est donc des plus probables que cette première
ligne a été ajoutée postérieurement à la rédaction
du procès-verbal, ce qui explique le mauvais alignement dans le sens haut-bas
et droite-gauche constaté.
Il serait significatif que ces remarques soient confirmées après étude
de l'original plutôt qu'après celle d'une photocopie.
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Lors
de leur requête en révision du 18 août
1981, les avocats de Mme Mathon demandaient à la
Commission de faire les vérification nécessaires.
Les experts, nommés par le parquet général d'Aix-en-Provence,
confirmèrent les conclusions de M. Faideau et ajoutèrent avoir
observé une anomalie supplémentaire:
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Le mouvement
anormal de la ligne "un pantalon d'homme de
couleur sombre" n'est pas strictement le même
sur l'original du PV et sur sa photocopie; la distance
entre la première ligne (un pantalon...) et
la seconde (un tuyau...) est plus marquée
sur l'original que sur le double.
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Il fut en
revanche impossible de déterminer le temps écoulé entre
ces deux rédactions.
Pour
les avocats de Mme Mathon, les conclusions des experts,
divergeantes sur certains points, sont essentielles:
Elles établissent
la réalité de deux anomalies gravement
suspectes: non-alignement de la ligne portant les
mots "un pantalon d'homme de couleur sombre",
et différence du décalage sur l'original
et le double.
Elles
ne pouvaient situer, dans le temps, la rédaction
de la ligne suspecte; mais elles rendaient très
probable l'hypothèse formulée dans
la requête: la ligne accusatrice avait été "ajoutée" au
PV, après enlèvement puis réintroduction
de la liasse dans la machine, à une date indéterminée.
La
différence de décalage découverte
par les experts sur l'original et le double rendait
très probable un rajout de la ligne accusatrice
postérieur à la rédaction du
PV.
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Le
30 décembre 1983, les avocats demandent au
Garde des Sceaux de faire entendre les enquêteurs
intervenus autour de ce rapport. Refus du ministère à l'exception
du commissaire Alessandra, qui sera entendu le 3
octobre 1984 et qui déclarera:
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J'atteste
que le "pantalon
d'homme de couleur sombre" dont il est fait état
dans le procès-verbal dressé par mes
soins le 5 juin 1974 a bien été saisi à Nice
dans le coffre du véhicule Peugeot 304 appartenant à Ranucci,
qui se trouvait dans son garage.
Ce
pantalon a bien été saisi par moi-même
dans les conditions indiquées dans le procès-verbal
du 5 juin 1974 dont vous me présentez copie.
En
ce qui concerne la dactylographie de la phrase: "Un
pantalon d'homme de couleur sombre", il ne m'est
pas possible de vous préciser si cette ligne
se trouve ou non légèrement décalée
par rapport à l'ensemble du texte.
En
revanche, je puis attester que ce "pantalon
d'homme de couleur sombre" est bien celui que
j'ai saisi dans le coffre du véhicule de Ranucci
et qu'il figure en conséquence en bonne et due
forme dans l'inventaire dressé.
Si
donc un décalage existe effecftivement,
celui-ci est probablement dû au dactylographe
qui a sans doute éprouvé le besoin, comme
cela arrive très fréquemment lorsque
l'on frappe la première ligne d'une page, d'ôter
le procès-verbal de sa machine à écrire,
pour mieux ajuster le carbone avec les pelures.
Bien
entendu il s'agit là d'une pure hypothèse
que je formule car je suis bien sûr dans l'incapacité la
plus totale de définir les conditions dans lesquelles
ce procès-verbal aurait été enlevé de
la machine, puis remis.
En
tout état de cause j'affirme ,que ma signature
a bien été apposée au bas du texte
tel que celui-ci apparaît sur le procès-verbal
dont vous présentez copie.
J'ajoute
enfin que Ranucci n'a jamais contesté la
saisie de ce pantalon ce qui prouve bien que celui-ci
faisait partie de façon tout à fait incontestable
des objets saisis dans les conditions indiquées
dans le procès-verbal.
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Une
nouvelle expertise est alors demandée par
le même parquet général.
Les conclusions des nouveaux experts dépassent les précédentes.
Ils notent que la ligne de PV mentionnant la saisie dudit pantalon est "sensiblement
horizontale par rapport au bord supérieur de la feuille, cependant que, à partir
de la seconde ligne, le texte descend nettement".
Ils ajoutent également que "au point de vue de la présentation écrite,
le ligne 1 introduit une discontinuité dans le cours de la rédaction".
Ils démontrent que le pantalon bleu, dont la saisie est mentionnée
sur la ligne 1, fait l'objet d'une présentation totalement anormale
par rapport au reste de l'inventaire.
En
réponse aux affirmations du commissaire, ils
préciseront ceci:
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Il
n'y a aucune justification technique à une
interruption de la
frappe dactylographique à seule fin de remanier la liasse.
Ils ajoutent: Nous estimons hautement invraissemblable que son dactylographe
ait interrompu une ligne d'inventaire laissant un blanc important (de 14 à 17
caractères). S'il avait voulu remanier la liasse, il aurait, avant de
la retirer de la machine, entamé la frappe de l'objet suivant ou, à l'extrême
rigueur, annulé par des tirets l'espace restant.
Ce
dactylographe, selon les experts,
annule systématiquement
tout espace blanc par des tirets, ne tolérant
qu'un blanc de 6 ou 7 caractères en fin de
ligne. Après la première ligne, il énumère
les objets saisis à la suite les uns des autres,
sans jamais aller à la ligne. Le pantalon
serait étrangement le seul objet saisi pour
lequel il aurait soudain choisi d'aller à la
ligne, sans annuler les blancs.
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Pourquoi
avoir refusé une audition des enquêteurs étant
intervenus autour de ce procès-verbal? La
justice a-t-elle craint leurs réponses qui
pouvaient mettre à mal la réalité d'un élément
clé de l'accusation?
En
résumé, tout le monde s'accorde pour
dire que ce procès-verbal n'a pas été rédigé de
manière continue.
Les
experts confirment l'anormalité de la rédaction
du procès-verbal, eu égard aux habitudes
du dactylographe, à la manière dont
a été rédigé la suite
du procès-verbal; ils réfutent également
les explications sommaires du commissaire Alessandra.
Bref, il s'est passé quelque chose d'anormal.
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La
Commission de révision des condamnations pénales,
dans sa décision de rejet de la requête
en révision, statue de la manière suivante:
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Attendu qu'il
n'est pas démontré par la demanderesse
que, sur le procès-verbal D16, la mention "un
pantalon d'homme de couleur sombre", comportant
un décalage de frappe en léger biais,
ait fait l'objet d'une manipulation suspecte; qu'en
effet les experts désignés... concluent
qu'il est impossible de déterminer avec précision
le temps écoulé entre la frappe des
différentes lignes du procès-verbal;
que dès lors ne sauraient être remises
en cause les affirmations dudit procès-verbal,
selon lesquelles le pantalon a été saisi
dans le coffre du véhicule de Ranucci, alors
surtout que celui-ci, présent lors de cette
saisie, n'a jamais contesté, au cours de la
procédure, l'emplacement où le pantalon
a été trouvé.
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Peut-on,
par conséquent, en déduire que ce qui
est anormal peut être suspect?
Non,
répond
la Commission de révision, puisque rien ne
permet de préciser le temps écoulé entre
les deux rédactions.
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La
découverte du couteau s'est opérée
dans des circonstances pour le moins étranges.
Celle du pantalon l'est tout autant. Et le malaise
persiste.
Doit-on
croire aveuglément la version officielle
qui expliquerait ces anomalies par un souci très
légitime des enquêteurs d'identifier
et d'arrêter le coupable le plus rapidement
possible, quitte à commettre des "erreurs" dues à la
précipitation de l'instant?
Pas
sûr. Le couteau et le pantalon étaient
deux éléments clés de l'accusation.
La saisie du pantalon dans la voiture de Christian
Ranucci fut même utilisée par le président
de la cour d'assises et l'avocat général
pour recommander au Garde des Sceaux le rejet du
recours en grâce.
On
peut accepter une erreur ou une maladresse. Mais
si l'une ou l'autre se répète, c'est
qu'il y a plus ou autre chose.
Les
autorités comme la Commission de révision
semblent considérer ces éléments
comme accessoires, sans aucune relation avec la
réalité du dossier, les aveux de
Christian Ranucci. Le problème est que ce
dernier s'est rétracté, qu'il a contesté plusieurs
points de l'accusation.
Puis
enfin, posons-nous une seule question et si l'on
peut y apporter une réponse précise
et logique, acceptons la culpabilité de
Christian Ranucci:
Pourquoi
aurait-il commis ce crime atroce, changé de
pantalon et..... décidé de le remettre
dans le coffre de sa voiture plutôt que de
le détruire ou de s'en débarrasser
?
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